Wednesday, March 16, 2011

Mon vecu du seisme de Fukushima, depuis Tokyo

Je traduis en francais le contenu de mon precedent post. (Je n'ai pas d'accent sur mon clavier)

  • Je travaille a Tokyo dans un immeuble de 24 etages. Le 11 Mars, 14h46, j'etais au bureau au moment ou le seisme s'est produit. Nous en avions deja eu un le Mardi ou Mercredi precedent, j'ai donc pense qu'il s'agissait encore d'une autre secousse "habituelle". Puis ca s'est mis a trembler de plus en plus fort, de droite a gauche. C'est de loin le plus fort seisme que j'ai vecu en 10 ans de vie au Japon. Certains collegues ont commence a se refugier sous leur bureau. C'est la premiere fois que je vois ca, c'est dire la force de la secousse. Moi, je lacais mes chaussures, tout en gardant un oeil sur la porte de sortie, pret a bondir.
    La secousse devint plus faible (je ne peux pas dire au bout de combien de temps. Ca m'a paru assez long, entre 15 et 30 seconds peut-etre). L'immeuble tenait toujours debout, personne ne semblait blesse ici. Nous savions que, cette fois, ce n'etait pas une autre secousse "habituelle". Nous nous demandions ou le seisme s'etait produit. Tout le monde verifiait les dernieres infos sur le net. Premiere question qui m'est venue: rester ou sortir ? Nous attendions les instructions du centre de prevention des desastres. L'annonce arriva quelques secondes apres, nous informant de l'origine du seisme, de sa force, et de ce que nous devions faire. La consigne fut de garder son calme car nous etions en securite a l'interieur. Puis nous eumes plusieures repliques plus ou moins fortes. Une premiere, une deuxieme, une troisieme... L'immeuble tanguait a chaque replique. On se sentait comme sur un bateau, ce qui eut tendance a jouer un peu avec nos nerfs.
  • Puis une autre secousse assez forte, bien que moins forte que la premiere. J'ai dit a mes collegues que je sortais et qu'ils feraient mieux de venir. Nous sommes sortis, et attendions que les choses se calment. Il y avait beaucoup de monde dehors. Nous etions tous en train de verifier les infos sur nos telephones portables. Nous vimes ce qu'il s'etait passe au nord, et ce qu'il advint aux villes broyees par le tsunami. Il y eut des infos comme quoi le tsunami allait arriver sur Tokyo, bien que beaucoup plus faible.
  • Au bout d'une heure, nous sommes retournes au bureau. Bien sur, les ascenceurs etaient hors d'usage. Nous avons utilises les escaliers de secours pour remonter, et decouvrimes l'ampleur des degats dans notre immeuble : des fissures sur les murs et sur le sol. Cependant rien de serieux, bien qu'on en vienne a se demander si le batiment va toujours resister au cas ou un autre seisme puissant se declenchait.
  • De retour sur ma chaise. Il est presque 16h. Nous continuions de jeter un oeil aux infos, tout en travaillant. Tous les trains etaient arretes. Les lignes du metro egalement. Ca allait etre une longue journee avant de pouvoir rentrer. Certains collegues quitterent le bureau des que la sonerie de fin journee se fit entendre. Certains ont probablement du essayer de se trouver un chemin dans les gares bondees de monde. Certains ont decide de marcher jusqu'a chez eux, peu importe la distance. Trois heures ou plus de marche dans la nuit et le froid ne les ont pas arretes (une de mes collegues est arrive le lendemain matin a 4h30). En ce qui me concerne, j'habite beaucoup trop loin du bureau pour pouvoir marcher. J'ai decide de passer la nuit au bureau, a moins que les trains se remettent en marche. Ou a moins que les repliques sismiques ne soient trop fortes.
  • La nourriture ! Je n'y ai pas pense immediatement. C'est en voyant une photo d'un magasin ayant ses rayons vides que j'y ai pense. Une autre photo aussi, d'une femme portant quatre "cup ramen (nouilles)" dans ses bras. J'ai file en bas pour faire des achats. Il ne restait plus grand chose. Seulement des petites boites de "cup ramen". Les plus grandes etaient deja vendues. Plus de onigiri (riz), plus de obentou (boites repas), plus de pain. Heureusement, le peu qui restait me suffit largement.
  • Au bureau, il fait chaud. On a de l'eau chaude, les toilettes. Pas de quoi se plaindre compare a ceux qui vont devoir passer la nuit dehors ou dans les gares. Pendant la nuit, la East Japan Railway (compagnie de train de l'est du Japon) a annonce que ses trains bougeraient a partir de 7h du matin. J'ai decide de partir a 6h30 pour voir si pouvais prendre un train. J'ai deux choix pour pouvoir rentrer : l'un etant d'aller a la gare de Tokyo, et d'essayer d'attraper un des trois trains allant vers chez moi. L'autre choix etant de prendre la ligne Ginza du metro, d'aller jusqu'a Shibuya et de changer de train. Choix difficile. Le second est un plus long trajet. J'avais un mauvais presentiment a propos du premier choix, parce que la compagnie East Japan Railway a tendance a dire des bobards, ou plutot de relativiser un peu trop les problemes. Neanmoins, j'ai decide de suivre mon premier choix et d'aller d'abord a la gare de Tokyo.
  • Il m'a fallu trente minutes de marche jusqu'a la gare de Tokyo. Des personnes ayant passe la nuit la-bas etaient assises ou dormaient encore par terre. La plupart des magasins etaient fermes (j'en ai vu un seul d'ouvert ou il y avait deja la queue). Contre toute attente, il n'y avait pas beaucoup de monde a l'entree par laquelle je suis venu. Tres peu de monde. Un des passages principaux menant a plusieurs quais etait etonnement assez vide aussi. Par contre, les quais, eux, etaient bondes. Je ne pouvais pas distinguer ou la file d'attente se terminait. Deux des trois quais ou je pensais aller etaient noirs de monde. Entre temps, j'ai remarque qu'il y avait beaucoup plus de monde venant des entrees opposees a celle par laquelle j'etais venu. Tout le monde s'affairait a essayer d'acheter un billet de train, ou a se frayer un chemin vers les quais. Le dernier quai ou je projetais d'aller n'etait pas si sature, alors je decidais d'y rester.
  • L'attente fut longue. Sur le quai, un petit vent nous frigorifiait. Un employe de la East Japan Railway nous ressassait toujours la meme chanson : "Veuillez patientier. Le train est en cours de verification et devrait bientot arriver. Le terminus sera la gare X, etc...". Encore et toujours la meme annonce. Une des personnes pres de moi lui demanda d'arreter de dire des mensonges. Certains personnes vinrent a bout de patience et redescenderent les escaliers. J'ai remarque que d'autres employes en bas empechaient que plus de personnes ne viennent sur le quai. Le train arriva finalement apres une heure et demie d'attente. Une fois dans le train, la premiere annonce fut : "Nous avons des problemes avec un des wagons. Nous devons proceder a de nouvelles verifications. Il va falloir du temps avant que le train ne reparte". La goutte qui fait deborder le vase. Je suis sorti, ainsi que d'autres passagers. Changement de plan: direction le metro.
  • Une fois sorti de la gare, j'ai marche jusqu'a la station de metro de Nihonbashi. Le metro etait un peu en retard, mais arriva finalement apres 4 ou 5 minutes d'attente. Il etait bonde, mais j'ai vu pire. Une fois arrive a Shibuya, j'ai change de train. Il n'y avait que des trains s'arretant a toutes les gares. Le trajet allait etre long, mais qui s'en plandrait dans cette situation ? Apres un dernier changement de train, j'arrivais enfin a mon appartement.
  • Finallement, je suis arrive a 11h. 4h30 de trajet, pas trop mal compte tenu les conditions. Je regrette d'etre alle a la gare de Tokyo, mais il fallait bien confirmer. Depuis, nous avons des repliques tous les jours. La centrale nucleaire de Fukushima devient petit a petit hors de controle, bien qu'il n'y ait pas de raison de paniquer. A propos de panique, je vais ecrire un autre post a propos de ce que j'ai vecu le Lundi 14 quand j'ai voulu faire les courses.

Au bureau, les videos etant bloquees, je ne voyais que des images des evenements. Ce n'est qu'une fois a la maison que je me suis rendu compte de l'ampleur du chaos et de l'horreur. Une vague poussant les voitures, les camions, les trains, les bateaux, les maisons comme de vulgaires jouets en plastiques. Ce que j'ai vecu a Tokyo semble tellement insignifiant compare a ce que sont en train de vivre les habitants au nord. La plupart des habitants vivants dans les zones sinistrees ont tout perdu.
Beaucoup ont perdu leur vie. Beaucoup ont perdu leurs parents, leurs enfants, leurs amis, leur maison. Il est facile de s'imaginer comment ca doit etre dans ce genre de situation, mais je pense qu'il est difficile de comprendre vraiment a quel point la douleur et le desarroi doivent etre forts.

J'en profite pour ajouter un petit commentaire. J'ai regarde le 20h de France2 hier sur le net. Un envoye special a Tokyo etait en train de resumer la situation ici. Il m'a bien fait rire. Il parlait de la secousse qu'on a eu avant-hier. Le pauvre, il etait tout pale. Son hotel a tremble pendant 15 a 20 minutes. Il etait mal. Il disait que dans ses circonstances les japonais se refugient sous les tables, mais qu'il n'imaginait pas faire ca alors que tout tremblait pendant un siecle. Il est ou son hotel ? Sur un paquebot ? J'etais situe plus pres que lui de l'epicentre de son "interminable" seisme. Ca a bien secoue quelques secondes. Oui, on s'est demande si ce n'etait pas la grosse replique dont on nous parlait. Mais 15 minutes ? 20 minutes ? Il etait tellement panique qu'il en a perdu la notion du temps ? Ce n'est pas etonnant de voir les francais paniquer et rentrer en France quand on entend des anneries pareilles. En parlant de rapatries, je ne sais que penser de tous ceux qui ont prit la poudre d'escampette (ils ne sont pas tous dans ce cas heureusement. Je comprends ceux qui vivent au nord, ceux qui ont des enfants...). L'autre qui arrive a Roissy tout sourire, et qui dit qu'elle va peut-etre retourner au Japon dans 15 jours, si tout va bien. La situation ici ne prete pourtant pas vraiment a sourire. Meme pas la honte. D'apres Fillion, on est passe de 5000 francais sur Tokyo a 2000. Les 3000, ils sont passes ou ? Ils font quoi comme boulot au juste ? Bref, la version "apocalypse" des medias francais me laisse vraiment perplexe. D'entendre des anes raconter n'importe quoi pour effrayer le public (j'imagine qu'il faut du sensationnel). On ne sait vraiment pas en qui croire. Une chose est sure, c'est qui si ca se passait en France, ce serait un beau bordel.

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